vendredi 7 novembre 2014

Interview - Janine Boissard

Lors de la dernière Fête du livre de Saint-Etienne, j'ai eu la chance extraordinaire de pouvoir interviewer Janine Boissard qui a répondu avec beaucoup de gentillesse à mes différentes questions sur elle, sur son dernier livre et sur son écriture en général.

Un immense merci à elle et Raphaël Ranzenigo de la société Gilles Paris pour ce superbe moment.



- Pourriez-vous vous présenter aux lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore ?

Je m'appelle Janine Boissard. Je ne dirai pas mon âge. Ce que je peux dire c'est que j'ai toujours rêvé d'être écrivain. Depuis l'âge de 10 ans c'était mon but. C'était une génération où on savait lire-écrire dès 6 ou 7 ans et j'ai tellement aimé lire que m'est venue l'envie d'être un jour moi-même un écrivain. J'ai publié mon premier livre chez Julliard à 20 ans sous mon nom de femme mariée. Je m'appelais Janine Oriano. Et depuis, j'ai écrit une cinquantaine d'ouvrages à raison de un par an dont le plus connu est L'esprit de famille qui a rencontré un grand succès planétaire je dirais et depuis j'ai le privilège de vivre de ma plume. Nous ne sommes pas nombreux, nous ne sommes qu'une cinquantaine à vivre de notre plume. A part ça j'ai 4 enfants, j'ai 10 petits-enfants que j'aime beaucoup et qui me le rendent bien. Il y a toujours la famille dans mes livres mais ça ne m'empêche pas du tout d'écrire du thriller par exemple. J'adore le thriller, j'ai été la première femme à être publiée sous mon nom de femme mariée, Oriano, dans la Série Noire, il n'y en avais pas. Donc ça m'a donné le goût du suspens et depuis je publie mon oeuvre de thrillers où la famille est toujours présente comme dans le dernier qui s'appelle Chut où il y a un gros secret de famille. Alors c'est à la fois un portrait d'une superbe famille mais qui a gardé trop longtemps un secret qui va exploser.

- Du coup, il est vrai que vous venez régulièrement à la Fête du livre de Saint-Etienne...

J'y suis beaucoup venue. J'avais séché pendant trois ans parce qu'il avait la Fête du Mans à la même date mais j'ai reçu un tel accueil de mes lectrices que maintenant je reviendrai. Je donnerai priorité chaque année à Saint-Etienne.

- Par rapport à votre dernier roman, j'imagine que l'on a déjà dû vous poser la question, mais pourquoi ce livre ?

Ecoutez, c'est un tome supplémentaire à une série qui s'appelait Belle grand-mère qui a été en quelque sorte une suite à l'Esprit de famille. C'est un portrait de la famille actuelle autour de jeunes grands-parents battants qui essaient d'assumer leurs valeurs, ce qui n'est pas toujours facile, tout en étant larges d'esprit. Un simple exemple, j'ai 10 petits-enfants, ma grand-père n'aurait pas reçu les divorcés à table. Moi je reçois les petits-amis dans la chambre de mes petits-enfants parce que sinon la moitié de la table sera vide. Mais ce qui ne m'empêche pas d'essayer de leur communiquer ces valeurs dont ils ont très très besoin. Belle arrière-grand-mère, c'est le dernier, ça intéresse déjà pas mal de personnes pour une série de télévision. Je ne peux pas dire les noms pour l'instant... Mais voilà, c'est le dernier que je suis venue présenter ici.

- Dans ce dernier tome, vous évoquez des thèmes très durs comme la maltraitance d'un enfant par exemple...

Alors... Très durs oui. Ce que je veux d'abord dire c'est que c'est un roman d'humour aussi, on rit beaucoup aussi mais mes livres sont toujours comme ça. Il y a beaucoup d'humour mais je ne cache rien quant aux sorts de la vie et je m'applique à ce que ça se termine bien. Et en fait, le thème central de ce livre, Belle arrière-grand-mère, c'est grandir. On a tous à grandir. Même mon héroïne, elle va devoir grandir parce que sa maman va mourir et elle arrive plus à peindre. Elle adore la peinture. Il faut qu'elle grandisse. A tout âge on a besoin de grandir et c'est là qu'un petit enfant, un petit garçon, qui a 11 ans et qui en fait 8 va l'aider à grandir parce qu'elle va, ainsi que son mari, essayer de le tirer d'affaire, essayer de le défendre, essayer de le séparer d'une mère maltraitante qui pratique la pire des maltraitances c'est la maltraitance psychologique. Elle va se dévouer pour le sauver et ça va lui permettre de grandir.

- Et il est vrai que ce roman, comme vous venez de le dire, est aussi un hymne à la vie et un hymne au courage d'une certaine manière...

Je crois que tous mes romans sont, d'une certaine façon, même s'ils ont des périodes, des passades, qui sont noirs, parce que la vie est comme ça, la vie n'est pas uniformément rose, c'est toujours des hymnes à la vie et j'ai eu l'exemple de ma mère que je cite souvent. Nous étions donc 5 filles et 1 garçon et ma mère nous disait : "Quand vous vous réveillez le matin, fixez la petite lumière de votre journée et quand elle n'existe pas, créez-là." Ca me suit encore. Le matin en me réveillant, je me dis : "Bon, qu'est-ce qui va se passer dans ma journée ?" et si j'ai une journée galère, ce qui m'arrive, comme à tout le monde, je me crée une petite lumière : un café pris avec une amie, de la musique à écouter ou autre et je crois que la lumière est présente dans toute mon oeuvre à cause de ça parce que il faut avancer, il faut se permettre d'avancer, en s'accrochant aux bons moments. Qu'est-ce que le bonheur ? C'est une cumulation de moments heureux, de moments où l'on se sent bien, en harmonie avec les choses, en harmonie avec soi. Et quand ces moments sont nombreux, on peut vivre heureux.

- Ce roman, comme vous nous l'avez dit aussi, est un roman qui fait suite à 4 autres romans d'une série... Comment avez-vous fait pour écrire un roman qui puisse à la fois être lu dans la continuité des autres mais aussi qui puisse être lu indépendamment pour des personnes qui n'auraient pas lu les premiers ?

Et bien... D'abord c'était il y a 10 ans que j'avais écrit les 4 autres et je me suis aperçue qu'il était complètement moderne puisque je parlais déjà de la Crise à l'époque. Et puis les familles, ça ne change pas. Il y a toujours le même genre d'ennuis.  En bien j'ai fait au départ un tableau des membres de la famille, des membres principaux de la famille et il n'y a pas une personne qui m'a dit qu'elle avait été perdue. On peut donc le lire indépendamment et les quatre premiers se trouvent en poche.

- Dans ce dernier roman, vous évoquez des auteurs dits "classiques" comme Baudelaire par exemple. Quels sont les auteurs de cette littérature classique qui sont vos auteurs de prédilection ?

J'ai eu deux auteurs fars quand j'étais jeune puisque je voulais déjà écrire, c'était toujours des auteurs près du terrain, près des choses, près du terroir. J'aimais beaucoup Colette qui d'ailleurs m'était interdite. Je n'avais pas le droit de lire Colette. On trouvait que c'était licencieux mais je la lisait en cachette. J'aimais beaucoup Giono, j'aimais beaucoup Pagnol et pour l'aventure, j'aimais beaucoup Dumas. C'est un peu un mélange de toutes ces lectures-là, tous étaient des écrivains populaires. Je suis fière d'être un écrivain populaire. Il y a des intellos qui font la moue mais notre grande tradition d'écrivains populaires, c'est Balzac, c'est Zola, c'est Dumas... Il est beaucoup plus difficile d'écrire un roman populaire que de tourner autour de son nombril, je peux vous le dire. Il faut mener une action, il faut mener différents personnages, c'est vraiment un travail beaucoup plus considérable donc je suis fière, heureuse, d'être une romancière populaire.

- Pour ce qui est de votre écriture, à quel moment de la journée et comment est-ce que vous écrivez ?

Le matin très tôt, vers 6h. Avant c'était 5h. Je prends de l'âge donc c'est plutôt 6h et j'écris à peu près 4 ou 5h le matin à la plume encouragée par mes éditeurs à continuer à la plume parce que quand j'ai commencé à écrire l'ordinateur n'existait pas et l'inspiration est quelque chose de fragile. J'ai l'impression que si je mets une machine entre moi et ma plume, entre moi et l'inspiration, elle va être mise en danger donc j'écris à la plume. Après ça je prends des récrés et l'après-midi, quand je peux, quand je ne suis pas prise par d'autres occupations, dont celle de grand-mère, je tape sur une machine basique ce que j'ai écrit, une petite machine électrique basique, et ce qui va me permettre de revenir le lendemain. Et quand j'ai fait l'aller-retour de la plume à la machine à écrire une dizaine de fois, c'est bon. Après il n'y a plus rien à changer.

- Comment est-ce que vous définiriez votre style ?

Il coule. On n'a pas envie de s'arrêter. Il est simple à lire. On n'est pas obligé de prendre le dictionnaire pour me lire mais c'est quand même un joli style, un joli français. J'estime de mon devoir de défendre le français qui est une belle langue. Alors je m'amuse quand même, surtout quand je parle de mes petits-enfants, à parler le meilleur français qui soit et à y mettre aussi, dans la bouche de mes petits-enfants, leurs propres expressions mais j'estime de mon devoir d'écrire, de parler, un bon français.

- Et bien merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions. Je vous laisse le mot de la fin si vous souhaitez dire une dernière chose...

Simplement que c'est un énorme bonheur d'être venue à Saint-Etienne et d'avoir trouvé une telle fidélité.


Dès demain, retrouvez ma chronique du roman sur le blog...

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